Editos

2007-08-18 Lettre au Commissaire Enquêteur 'PLU'

Madame le commissaire enquêteur,

L'Association des Amis de Megève et de Demi Quartier a suivi attentivement le processus d'élaboration du Plan local d'urbanisme qui est soumis à enquête publique et vient vous présenter une synthèse des observations élaborées par son conseil d'administration en concertation avec ses membres.

1) Sur le déroulement des opérations.

L'Association a déjà fait part de son indignation sur la façon dont l'information a été délivrée aux habitants de Megève (plaquette lacunaire et publicitaire, exposition peu claire pour les non spécialistes, site Internet non mis à jour) et la concertation sur le projet conduite (faible nombre des réunions et absence de prise en compte des voeux exprimés par les personnes associées dont les associations).

L'Association regrette d'ailleurs que l'on ait relégué les documents de l'enquête publique (d'une durée réduite au minimum légal) dans une petite salle inaccessible où figure un seul exemplaire du PLU et un fragment de carte reprenant partiellement les emplacements réservés.

Tout est fait pour donner le sentiment que le PLU est quelque chose de trop sérieux pour être laissé aux habitants !

2) Sur la conception générale du PLU.

Même en tenant compte des difficultés techniques auxquelles a été confrontée la commune qui a dû changer de bureau d'études en cours d'élaboration du PLU, il y a manifestement dès l'origine une incompréhension manifeste sur le contenu d'un PLU tel que les textes le prévoient désormais.

Un PLU ne saurait être un "" document transitif "" comme l'annonce le rapport de présentation, c'est-à-dire une simple adaptation du POS, document plus limité ayant essentiellement vocation à définir des zonages.

Le PLU doit être un document prospectif et stratégique, dont les ambitions sont globales à savoir maîtriser le développement urbain, préserver les activités agricoles, protéger les espaces naturels et les paysages en respectant des objectifs de développement durable.

Il s'agit de concevoir Megève à très long terme en faisant une utilisation économe et équilibrée des espaces, en maîtrisant les besoins de déplacement et la circulation automobile et en préservant la qualité de l'air et de l'eau.

La vision que traduit le PLU est au contraire à courte vue et à contre temps.

Ainsi le PLU ne conçoit le développement de Megève et toutes les orientations en découlant en terme de constructions, de circulation qu'en tant que station de sport d'hiver sans prise en compte des questions de changement climatique pourtant essentielles.

L'impasse est totalement faite sur le devenir d'une station de moyenne montagne dont l'activité devrait peut-être rapidement dépendre d'autres activités que le ski !

Le PLU privilégie la densification des constructions et affiche des objectifs de poursuite à un rythme soutenu des délivrances de permis de construire sans s'interroger sur les risques d'asphyxie en terme de déplacement ; le PLU fait d'ailleurs le choix du tout voiture, et néglige la question des transports publics propres et des liaisons piétonnes pourtant désormais essentielles.

Le projet de PLU se caractérise par la prise en compte de données parfois obsolètes (prix des terrains par exemple), par la reprise quasiment à l'identique de projets contestés inscrits dans le POS (cf la liste des 33 emplacements réservés), par un règlement de présentation, un plan d'aménagement et de développement durable et des orientations d'aménagement entachés de contradictions flagrantes.

Comment peut-on affirmer préserver le patrimoine naturel ou architectural et livrer à l'urbanisation des parcelles proches de sites protégés (Calvaire par exemple), ou dans des sites naturels.

Comment affirmer que la préservation de la pérennité des exploitations agricoles est un objectif majeur et dans le même temps favoriser des programmes de construction dans des espaces exploités par des agriculteurs (Les Glermaz par exemple) '

Le projet de PLU se caractérise aussi par un silence total sur les justifications de ses choix, ainsi de l'inscription en annexe de 33 emplacements réservés qui se rapportent pour l'essentiel à des projets d'aménagements routiers ou de la programmation de huit orientations d'aménagement du PLU dont deux opérations hôtelières de luxe.

Ce PLU ne correspond donc absolument pas aux exigences de l'article L 121-1 du Code de l'urbanisme.

3) Sur le contenu du PLU.

L'Association tient à manifester son désaccord sur un certain nombre de points précis.

a) Elle refuse la logique de la densification urbaine même si elle comprend par exemple la nécessité de créer des logements aidés pour les résidents permanents afin de permettre l'accueil et le maintien à Megève des jeunes ou pour les saisonniers.

Elle souhaite préserver le caractère de village de Megève et son authenticité.

Aussi s'inquiète-t-elle des projets d'opérations d'ensemble au détriment d'espaces naturels dans le secteur du Glermaz et au Tour bénéficiant de dérogations en terme d'emprise au sol et de hauteur auxquelles l'association ne peut être favorable.

Ces opérations "" haut de gamme "" à vocation hôtelière sont d'autant moins compréhensibles que le PLU reconnaît que même l'hiver le maximum du taux d'occupation n'est pas atteint ; par ailleurs certains hôtels de luxe connaissent des difficultés et en dépit de la règle d'interdiction de changement de destination (dont la légalité est douteuse) il ne fait pas de doute que l'on s'achemine vers des échecs retentissants.

Le pari de cette hôtellerie de luxe pour une saison d'hiver d'une durée identique à celle du passé est au surplus hasardeux.

La délimitation des zones urbaines entérine également le mitage ancien et le renforce sans volonté de restructurer l'espace urbain au mépris de la loi Montagne ; bien plus la création de certaines zones à urbaniser (AU) sacrifie des espaces naturels (ainsi en dessous du chemin des Coudrettes).

Faut-il, par exemple, abandonner la zone naturelle de l'Arly en direction de Praz, et la laisser devenir une zone d'activités '

La densification serait d'autant plus dangereuse qu'elle entraînerait la réalisation de nouvelles voies ou l'élargissement de routes sans égard pour les riverains, victimes de nuisances graves, sans considération pour les espaces naturels sacrifiés dans une optique du tout voiture désormais condamnée en terme de développement durable.

Sur les 33 emplacements réservés du PLU figurent 23 projets routiers dont la plupart ont été combattus vigoureusement par les riverains et les associations depuis des années , ainsi la liaison routière le Tour - les Perchets qui dénaturerait irrémédiablement l'environnement de la partie haute du quartier de Rochebrune, ne faciliterait en rien la circulation et serait une source de nuisances évidentes pour les résidents de Rochebrune, la liaison du Gollet jusqu'à la route du Mont d'Arbois qui passe en zone naturelle, emprunte un chemin étroit et ne remplit pas davantage que la précédente un rôle de dégagement du Mont d'Arbois assuré par la route des Chozeaux, la nouvelle voie reliant le CVO n° 2 au chemin du lotissement "" Dessous le Calvaire "" avec création de 2 ponts au bas du site classé du Calvaire, la route de bouclage des Pettoreaux à la route du Mont d'Arbois, la route nouvelle en direction de Praz avec construction d'un pont sur le torrent de Cassioz.

Ces créations de liaisons s'accompagneraient d'élargissements à 10 mètres, 8 mètres ou 7 mètres de voies existantes (route du Bouchet, chemin de Lady).

Sont ainsi envisagés sans aucun plan de déplacement global et cohérent, sans aucune réflexion sur la place respective du piéton et de la voiture, sans analyse des questions de sécurité et de faisabilité des opérations lourdes et aux conséquences environnementales majeures.

L'accroissement du nombre des constructions et la réalisation de projets hôteliers se réaliserait sans préoccupation pour la ressource en eau alors qu'il n'est pas certain que l'adéquation entre cette ressource en eau et les besoins puisse être satisfaite ; de même en matière d'assainissement les auteurs du PLU montrent eux-mêmes les difficultés du raccordement au réseau existant.

Le développement de l'installation de canons à neige à l'efficacité douteuse (Mont d'Arbois) nécessitera aussi la création de retenues nouvelles sans respect des activités agricoles et contribuera à tendre encore davantage la situation en ce qui concerne la ressource en eau.

b) L'Association manifeste son opposition à tout ce qui contribue à affaiblir la protection du patrimoine, des sites naturels.

Elle est préoccupée par l'abandon dans le PLU des espaces boisés classés, classement présenté comme trop contraignant !

Elle s'inquiète évidemment des atteintes multiples portées à des sites emblématiques tel le Calvaire.

Déjà il serait opportun que la commune s'oppose à des projets immobiliers en cours tel celui des Balcons de Megève au lieu dit la Combe à 140 m des chapelles du Calvaire ; il est nécessaire aussi de ne pas maintenir en zone constructible l'ensemble des parcelles bordant la promenade du Calvaire.

La volonté de préserver le coeur de Megève doit être sans failles ; or certains indices laissent penser le contraire ainsi du classement dans le domaine public de certaines voies du bas du Calvaire

Il est à craindre que la modification de règles de circulation n'ait pour but que de favoriser des projets immobiliers et la réalisation du projet de route nouvelle, assortie de deux ponts, reliant le Calvaire aux Mouilles puis à Rochebrune.

Le souhait de l'association est que le site soit classé dans son ensemble, et totalement inconstructible et soit ainsi préservé définitivement et réservé à l'usage des piétons.

Le PLU est muet sur un point important à savoir le projet de liaison avec les Contamines via les Aiguilles Croches qui ne peut être envisagé que pour répondre à des orientations et des objectifs à long terme clairement exposés tenant compte de la préservation souhaitée par de nombreux mégevans d'un environnement d'exception à Hermance, au Planay

4) Sur les propositions de l'association.

L'Association émet d'abord le souhait d'un moratoire sur ce processus d'élaboration du PLU ; en en effet compte tenu des délais réglementaires (remise du rapport de Mme le commissaire enquêteur, adoption, examen par le contrôle de légalité,...) il sera arrêté définitivement en pleine période pré-électorale pour les élections municipales 2008.

Il serait évidemment opportun d'attendre que la nouvelle majorité soit élue et exprime sa vision de l'avenir à long terme de Megève.

En tout état de cause, l'association est soucieuse de voir préserver la qualité de l'environnement et du cadre de vie à Megève, mais aussi de favoriser le développement de la commune ; ceci ne peut toutefois pas se faire à n'importe quel prix.

L'association tient à préserver le caractère de village alpin de Megève ce qui va bien au-delà d'une simple station de ski.

Elle souhaite le maintien d'un véritable village avec des commerces et des activités notamment pour les jeunes mégevans compatibles avec l'évolution de la vallée notamment sur le plan climatique ; cela nécessite de concevoir d'autres priorités que celles envisagées par le PLU, de réfléchir à utiliser les atouts de Megève (équipements , etc,...) sans se focaliser sur une seule activité d'hiver.

L'association n'est pas hostile, bien au contraire, à la construction de logements intermédiaires dont le nombre est ridiculement bas depuis 1969 (28 logements) ; cette construction n'est pas concrètement envisagée par la commune.

Elle souhaite une véritable réflexion sur les priorités en matière de déplacements (liaisons piétonnes et navettes, liaisons avec les gares,...) ; une concertation avec l’État et le Conseil général gestionnaire de certaines voies essentielles, les associations et la population pour que soit adopté un plan de déplacement cohérent, s'impose. L'association considère que la priorité en matière de voirie est le passage en souterrain de la RN 212 qui présente bien des avantages sur le plan de la sécurité des personnes, de la fluidité des flux automobiles et piétonniers.

Nous vous remercions, Madame le commissaire enquêteur, de bien vouloir prendre en compte nos remarques et vous prions de recevoir nos respectueuses salutations.

A Megève, le 18 Août 2007
Les Vice-Présidents pour le Conseil d'Administration